http://www.rfi.fr/culture/20161225-chateau-versailles-art-fete-xxl-divertissements-cour-louis-xiv
Vue
de la reconstitution du costume d’If de Louis XV au bal masqué donné
dans la Grande Galerie du Château de Versailles en 1745, d’après le
Sieur Ducreux.Siegfried Forster / RFI
Versailles
a longtemps été synonyme de fêtes grandioses. À l’époque de Louis XIV,
la cour avait envie de rire. Et tout divertissement était politique.
Avec des techniques d’immersion et de reconstitution inédites en 3D, la
grande exposition érudite et joyeuse « Fêtes et divertissements à la
cour » nous fait découvrir l’étendue et la diversité de tous ces
amusements offerts aux courtisans. Et nous renseigne aussi sur notre
société de spectacle d’aujourd’hui.
Noël au château de Versailles
Vous rêvez de fêter Noël comme un roi au château de Versailles ? « Vous serez très déçu, prévient Philippe Hourcade, spécialiste de l’histoire du château de Versailles. C’étaient des fêtes purement religieuses. À Noël, il y avait la célébration des trois messes : la messe de minuit, la messe de l’aurore, la messe du matin, mais sans plus ! Le jour de l’An, il y avait les étrennes, mais ce n’était pas non plus objet d’une cérémonie particulière. »
« Non, il n’y avait pas d’arbre de Noël au milieu de la galerie de Glaces, confirme aussi Patrick Hourcade, le directeur artistique et scénographe de l’exposition, avant de faire une allusion au costume d’If montré dans l’exposition : un « arbre » de trois mètres de haut porté par le roi lui-même au bal masqué donné dans la Grande Galerie en 1745. On avait Louis XV déguisé lui-même en arbre qui déambulait pour chercher la Pompadour. Les fêtes religieuses étaient plutôt des moments d’austérité. On n’allait pas voir la favorite ce jour-là [rires]… »
Le divertissement, ce plaisir qui guérit de l’ennui
L’exposition nous invite à vivre, à voir, à entendre ou à pratiquer les plaisirs de l’époque. Le divertissement, c’est ce plaisir qui guérit de l’ennui. Pour cela, on « revêt » l’habit du courtisan, adapte son point de vue. Chaque salle de l’exposition est une exposition en soi faisant renaître la vie d’antan : la chasse, les carrousels, la comédie, les concerts, la promenade. Il y avait aussi les jeux comme le tric-trac, cet ancêtre du backgammon adopté par le roi, la ramasse, une luge rapide, ou les jeux d’argent : « On jouait tous les soirs et on perdait parfois des fortunes au jeu », révèle Catherine Pégard, l’actuelle présidente du château de Versailles. À l’époque, il n’y avait rien de mieux pour achever les réjouissances qu’un bal. La danse de fête par excellence à la cour de Versailles était le menuet, affirme Mickaël Bouffard, lui-même danseur, chorégraphe et chercheur invité à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra :
« C’était la danse la plus populaire de la deuxième moitié du XVIIe siècle et de tout le XVIIIe siècle, parce que c’était une danse qui pouvait être improvisée, sur un canevas. Il y avait des figures obligées, mais il y avait une certaine liberté. Quant à Louis XIV, dans les ballets, il dansait avec des professionnels de la danse ou avec des courtisans. Au bal, il pouvait danser avec la reine. Au bal sérieux, on dansait à l’ordre hiérarchique. Donc le roi ouvrait, avec le premier menuet, ensuite la reine allait danser avec le premier prince de sang, etc. Uniquement au ballet, le roi dansait seul, quand il y avait un solo. »
Regarder des danses disparues
Des danses aujourd’hui disparues, mais reconstituées dans l’exposition donnent l’idée la plus avancée de ce qui était la danse à la cour de Versailles : à quel tempo, avec quel bras et avec quel pas on dansait. Dans d’autres domaines, les experts ont restitué à partir d’une imagerie abondante et très précise comme des gravures, des dessins ou des tableaux, par exemple le déroulement scénographique exact d’événements historiques ou de lieux du divertissement. Le plus ancien décor de théâtre à l’italienne au monde, au temple de Minerve, a été entièrement restauré pour l’exposition.
Autre surprise : « On se comportait parfois très mal devant le roi, raconte Patrick Hourcade. Lors des pique-niques dans la galerie des Glaces, ils sont par terre en train de servir du vin rouge. Le roi était bousculé pendant ses promenades. On pouvait toucher le roi et il fallait qu’il se débrouille au milieu de tout cela. »
La comédie, trois fois par semaine
Même Béatrix Saule, directeur-conservateur général du château de Versailles et commissaire générale de l’exposition, avoue d’avoir encore appris des choses en préparant l’exposition : « A la cour, il y avait trois fois par semaine une comédie au programme, on donnait un ou deux actes de tragédies, et ensuite, il y avait toujours une comédie ou un opéra-comique ou une pièce plus facile. La cour avait envie de rire. Ce n’est pas une cour guindée, c’est une cour qui aime s’amuser. Elle a besoin d’avoir de grand air, donc la chasse, les promenades, les exercices du corps : la danse, la paume… Donc il y a ce côté d’extrêmement réglé, du fait de l’étiquette et des cérémonies, et en même temps, il y a de vrais divertissements, de vrais amusements, de vraies réjouissances. »
L’ambiance du château lui-même, des constructions grandeur nature, des douches sonores, des écrans et des restitutions 3D nous immergent dans la vie de la Cour et au cœur de la fête. Pour Béatrix Saule, les deux fêtes les plus vastes jamais organisées à Versailles sont « celle de 1674, la troisième et dernière grande fête de Louis XIV à Versailles. Et, près d’un siècle plus tard, en 1770, la fête donnée pour le mariage du futur Louis XVI avec l’archiduchesse Marie-Antoinette. Là, on commence avec une illumination complète du parc en trois minutes, grâce à un nouveau système de mèches communicantes qui a été mis au point par les savants de l’Académie des sciences. En trois minutes, tout le parc est entièrement illuminé ! »
Divertir pour régner
Sans oublier la règle d’or : divertir pour régner. À Versailles, le divertissement est profondément politique et entièrement intégré dans l’exercice du pouvoir : « Il ne faut pas opposer exercice de pouvoir et divertissement. Les grandes fêtes sont organisées pour associer le royaume et aussi étonner l’Europe, le peuple est admis. Le but des divertissements ordinaires est de faire en sorte que la cour soit attirée, qu’elle reste et qu’elle fréquente Versailles. »
L’art du divertissement et de l’amusement permanent caractérise aussi notre époque actuelle. Est-ce que la société de la France actuelle obéit aux mêmes règles qu’au temps de Louis XIV ? « Aujourd’hui, la politique du divertissement est plutôt faite pour divertir au sens de détourner, c’est-à-dire de détourner de vrais problèmes. Sous les rois, cela n’a pas été dans cette idée-là. Sous Louis XIV, c’était dans l’idée de servir le prestige du roi. Il y avait aussi un aspect économique. Colbert était déjà tout à fait conscient : les divertissements, c’est du travail pour beaucoup du monde et cela va attirer des étrangers dans le royaume. »
Les fêtes uniques de Versailles
Louis XIV rêvait d’une grande salle de spectacle, mais pour des raisons financières, il a dû arrêter le chantier. Conséquence : tout le domaine du château pouvait se transformer en lieu d’un spectacle : « L’absence d’une salle de spectacle pérenne, construite et utilisée, a évidemment incité à créer des lieux qu’on pouvait transformer, remarque Jérôme de La Gorce, un des trois commissaires de l’exposition. Ça, c’est quelque chose très versaillais qu’on ne trouve pas ailleurs. »
Pour le scénographe Patrick Hourcade, les fêtes de Versailles restent uniques dans l’histoire de France : « Il y avait une extraordinaire panoplie, un échantillon d’imagination et de provocations par rapport aux fêtes. Je vois mal aujourd’hui une production, même au niveau étatique, reprendre tout cela. Quand on a demandé à Jean-Paul Goude de faire le défilé du bicentenaire de la Révolution française, c’était un petit clin d’œil à cet art total du divertissement. »
►Fêtes et divertissements à la cour, exposition au château de Versailles, jusqu’au 26 mars 2017.
Vous rêvez de fêter Noël comme un roi au château de Versailles ? « Vous serez très déçu, prévient Philippe Hourcade, spécialiste de l’histoire du château de Versailles. C’étaient des fêtes purement religieuses. À Noël, il y avait la célébration des trois messes : la messe de minuit, la messe de l’aurore, la messe du matin, mais sans plus ! Le jour de l’An, il y avait les étrennes, mais ce n’était pas non plus objet d’une cérémonie particulière. »
« Non, il n’y avait pas d’arbre de Noël au milieu de la galerie de Glaces, confirme aussi Patrick Hourcade, le directeur artistique et scénographe de l’exposition, avant de faire une allusion au costume d’If montré dans l’exposition : un « arbre » de trois mètres de haut porté par le roi lui-même au bal masqué donné dans la Grande Galerie en 1745. On avait Louis XV déguisé lui-même en arbre qui déambulait pour chercher la Pompadour. Les fêtes religieuses étaient plutôt des moments d’austérité. On n’allait pas voir la favorite ce jour-là [rires]… »
Le divertissement, ce plaisir qui guérit de l’ennui
L’exposition nous invite à vivre, à voir, à entendre ou à pratiquer les plaisirs de l’époque. Le divertissement, c’est ce plaisir qui guérit de l’ennui. Pour cela, on « revêt » l’habit du courtisan, adapte son point de vue. Chaque salle de l’exposition est une exposition en soi faisant renaître la vie d’antan : la chasse, les carrousels, la comédie, les concerts, la promenade. Il y avait aussi les jeux comme le tric-trac, cet ancêtre du backgammon adopté par le roi, la ramasse, une luge rapide, ou les jeux d’argent : « On jouait tous les soirs et on perdait parfois des fortunes au jeu », révèle Catherine Pégard, l’actuelle présidente du château de Versailles. À l’époque, il n’y avait rien de mieux pour achever les réjouissances qu’un bal. La danse de fête par excellence à la cour de Versailles était le menuet, affirme Mickaël Bouffard, lui-même danseur, chorégraphe et chercheur invité à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra :
« C’était la danse la plus populaire de la deuxième moitié du XVIIe siècle et de tout le XVIIIe siècle, parce que c’était une danse qui pouvait être improvisée, sur un canevas. Il y avait des figures obligées, mais il y avait une certaine liberté. Quant à Louis XIV, dans les ballets, il dansait avec des professionnels de la danse ou avec des courtisans. Au bal, il pouvait danser avec la reine. Au bal sérieux, on dansait à l’ordre hiérarchique. Donc le roi ouvrait, avec le premier menuet, ensuite la reine allait danser avec le premier prince de sang, etc. Uniquement au ballet, le roi dansait seul, quand il y avait un solo. »
Château
de Versailles : Fêtes et divertissements à la cour. Les Iffes, dansé
par le roi au mariage de Mr. le dauphin. Papillon, maître de danse à
Versailles, vers 1745.Siegfried Forster / RFI
Des danses aujourd’hui disparues, mais reconstituées dans l’exposition donnent l’idée la plus avancée de ce qui était la danse à la cour de Versailles : à quel tempo, avec quel bras et avec quel pas on dansait. Dans d’autres domaines, les experts ont restitué à partir d’une imagerie abondante et très précise comme des gravures, des dessins ou des tableaux, par exemple le déroulement scénographique exact d’événements historiques ou de lieux du divertissement. Le plus ancien décor de théâtre à l’italienne au monde, au temple de Minerve, a été entièrement restauré pour l’exposition.
Autre surprise : « On se comportait parfois très mal devant le roi, raconte Patrick Hourcade. Lors des pique-niques dans la galerie des Glaces, ils sont par terre en train de servir du vin rouge. Le roi était bousculé pendant ses promenades. On pouvait toucher le roi et il fallait qu’il se débrouille au milieu de tout cela. »
La comédie, trois fois par semaine
Même Béatrix Saule, directeur-conservateur général du château de Versailles et commissaire générale de l’exposition, avoue d’avoir encore appris des choses en préparant l’exposition : « A la cour, il y avait trois fois par semaine une comédie au programme, on donnait un ou deux actes de tragédies, et ensuite, il y avait toujours une comédie ou un opéra-comique ou une pièce plus facile. La cour avait envie de rire. Ce n’est pas une cour guindée, c’est une cour qui aime s’amuser. Elle a besoin d’avoir de grand air, donc la chasse, les promenades, les exercices du corps : la danse, la paume… Donc il y a ce côté d’extrêmement réglé, du fait de l’étiquette et des cérémonies, et en même temps, il y a de vrais divertissements, de vrais amusements, de vraies réjouissances. »
L’ambiance du château lui-même, des constructions grandeur nature, des douches sonores, des écrans et des restitutions 3D nous immergent dans la vie de la Cour et au cœur de la fête. Pour Béatrix Saule, les deux fêtes les plus vastes jamais organisées à Versailles sont « celle de 1674, la troisième et dernière grande fête de Louis XIV à Versailles. Et, près d’un siècle plus tard, en 1770, la fête donnée pour le mariage du futur Louis XVI avec l’archiduchesse Marie-Antoinette. Là, on commence avec une illumination complète du parc en trois minutes, grâce à un nouveau système de mèches communicantes qui a été mis au point par les savants de l’Académie des sciences. En trois minutes, tout le parc est entièrement illuminé ! »
Château
de Versailles : Bal masqué donné pour le Dauphin, Charles Nicolas
Cochin le Jeune, vers 1745. Encre brune, rehauts de blanc, aquarelle
avec lavis gris, plume.RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot
Sans oublier la règle d’or : divertir pour régner. À Versailles, le divertissement est profondément politique et entièrement intégré dans l’exercice du pouvoir : « Il ne faut pas opposer exercice de pouvoir et divertissement. Les grandes fêtes sont organisées pour associer le royaume et aussi étonner l’Europe, le peuple est admis. Le but des divertissements ordinaires est de faire en sorte que la cour soit attirée, qu’elle reste et qu’elle fréquente Versailles. »
L’art du divertissement et de l’amusement permanent caractérise aussi notre époque actuelle. Est-ce que la société de la France actuelle obéit aux mêmes règles qu’au temps de Louis XIV ? « Aujourd’hui, la politique du divertissement est plutôt faite pour divertir au sens de détourner, c’est-à-dire de détourner de vrais problèmes. Sous les rois, cela n’a pas été dans cette idée-là. Sous Louis XIV, c’était dans l’idée de servir le prestige du roi. Il y avait aussi un aspect économique. Colbert était déjà tout à fait conscient : les divertissements, c’est du travail pour beaucoup du monde et cela va attirer des étrangers dans le royaume. »
Les fêtes uniques de Versailles
Louis XIV rêvait d’une grande salle de spectacle, mais pour des raisons financières, il a dû arrêter le chantier. Conséquence : tout le domaine du château pouvait se transformer en lieu d’un spectacle : « L’absence d’une salle de spectacle pérenne, construite et utilisée, a évidemment incité à créer des lieux qu’on pouvait transformer, remarque Jérôme de La Gorce, un des trois commissaires de l’exposition. Ça, c’est quelque chose très versaillais qu’on ne trouve pas ailleurs. »
Pour le scénographe Patrick Hourcade, les fêtes de Versailles restent uniques dans l’histoire de France : « Il y avait une extraordinaire panoplie, un échantillon d’imagination et de provocations par rapport aux fêtes. Je vois mal aujourd’hui une production, même au niveau étatique, reprendre tout cela. Quand on a demandé à Jean-Paul Goude de faire le défilé du bicentenaire de la Révolution française, c’était un petit clin d’œil à cet art total du divertissement. »
Château de Versailles : Traîneau « au léopard », vers 1730-40, bois sculpté et peint, cuir, fer et velours de soie.Siegfried Forster / RFI
Chronologie et chiffres clés
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