Reykjavik 1986, un sommet où Reagan et Gorbatchev ont failli faire l’Histoire
C'est au sommet de Genève en novembre1985 que Reagan et Gorbatchev se sont rencontrés pour la première fois.Domaine public
Il
y a vingt-cinq ans disparaissait l’Union soviétique. L’une des
principales étapes de cette disparition a été la rencontre ratée de
Reykjavik de 1986 entre Reagan et Gorbatchev sur l’abolition des armes
nucléaires. L’échec des négociations entre les deux anciennes
superpuissances qui n’ont pas réussi à s’entendre, a sans doute
précipité l’effondrement du modèle soviétique cinq ans plus tard, écrit
le journaliste Guillaume Serina dans un essai historique passionnant qui
raconte les coulisses de ce « sommet de tous les espoirs ».
L’histoire
se souviendra du 25 décembre 1991. Ce jour-là, une superpuissance qui a
longtemps incarné les espoirs des « damnés de la terre » et a fait
trembler le monde libre, a tiré sa révérence. La démission ce jour-là,
il y a vingt-cinq ans, de Mikhaïl Gorbatchev de la présidence de l’Union
soviétique a sonné le tocsin pour l’entité confédérale des soviets.
L’URSS avait cessé d’exister pour ainsi dire dès le 8 décembre avec la
décision des dirigeants russe, ukrainien et bélarusse de se retirer de
la confédération, sous l’impulsion de Boris Eltsine, grand adversaire
politique du président Gorbatchev. C’est la fin de la Guerre froide. La
fin du monde séparé en blocs qui s'était bâti sur les décombres de la
Seconde Guerre mondiale.Or, pour soudaine que cette fin pouvait paraître sur le moment, elle s’est déroulée par étapes, dont l’une des principales a peut-être été l’incapacité des dirigeants soviétiques de s’entendre avec leurs rivaux américains pour mettre fin à la course aux armements, plus particulièrement aux armes nucléaires. L’économie soviétique épuisée par la longue guerre en Afghanistan pouvait difficilement supporter les coûts terribles que représentait pour elle la compétition militaire avec les Etats-Unis. Le modèle socialiste a définitivement perdu la guerre avec l’échec des négociations de dernière chance entre Américains et Soviétiques au cours des années 1980.
Fin de la « Détente »
On saura tout sur le sur le déroulement et la faillite de ces négociations en lisant l’ouvrage que consacre le journaliste français Guillaume Serina au sommet de Reykjavik 1986 au cours duquel les deux hommes les plus puissants du monde ont tenté de s’entendre pour une réduction substantielle de leur arsenal nucléaire.
Les choses sérieuses commencent avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan à Washington en 1981 et de Gorbatchev au Kremlin en 1985. Très vivace dans les années 1950 et 1960, la Guerre froide s’était estompée dans les années 1970 avec la période de la « Détente » et la signature des premiers accords SALT (« Strategic Arms Limitation Talks »). Les années 1980 voient la tension repartir entre les deux superpuissances. La course aux armements est relancée avec l’installation par les Soviétiques des missiles de plus en plus performants braqués vers l’ouest et l’émergence du projet américain d’autre part de mise en place d’un véritable bouclier spatial contre les fusées soviétiques, connu sous le nom de l’Initiative de défense stratégique (IDS), rebaptisé « guerre des étoiles » (Star Wars) par les médias.
C’est dans ce contexte que, après les disparitions successives de Yuri Andropov et Constantin Tchernenko, vieux et frêles apparatchiks élevés dans la doctrine de la Guerre froide, arrive au pouvoir au Kremlin Mikhaïl Gorbatchev, dont la jeunesse relative (54 ans) et l’ouverture d’esprit semblent pouvoir contribuer à des changements significatifs dans les relations entre les deux superpuissances. Conscient des coûts terribles de la machine militaire pour l’économie de l'URSS, le nouveau numéro un soviétique veut faire effectivement évoluer la donne.
Gorbatchev a en face de lui un président américain qui entame son second mandat et qui, malgré sa ferveur anti-communiste, souhaite sincèrement s’attaquer à la menace nucléaire et aboutir à un accord qui fera de lui un « pacificateur » pour l’Histoire. Les deux hommes vont se rencontrer pour tenter de s’entendre, surtout sur la question des armes nucléaires qui ont conduit le monde plusieurs fois, depuis l’explosion des premières bombes atomiques au Japon en 1945, au bord d’une nouvelle catastrophe.
Une narration quasi-romanesque
L’auteur nous fait rentrer dans la tête des deux présidents et leurs conseillers, racontant avec un suspense quasi-romanesque la manière dont les événements se sont déroulés dans les deux capitales, dans l’intimité des salons « au coin du feu ». Le lecteur suit pas à pas les attentes de part et d’autre, les enthousiasmes, les déceptions, les rapports de force, les limites des propositions et de la volonté politique des protagonistes. Il s’est joué à Genève et à Reykjavik une véritable partie de poker dont personne n’est sortie victorieuse, surtout pas le monde. Les hommes vivent depuis avec la prolifération des armes nucléaires qui fait peser une menace terrible sur la vie sur l'ensemble de la planète.
Et pourtant à Reykjavik, on est passé à deux doigts d’un accord historique. « Les 11 et 12 octobre 1986, le sommet de Reykjavik aurait pu mettre un terme à l’affrontement nucléaire opposant l’Est et l’Ouest », écrit Guillaume Serina. L’originalité du récit qu’il fait des sommets Reagan-Gorbatchev réside autant dans le déroulé des événements racontés que dans l’écriture de Serina, qui restitue avec brio le souffle chaud de l’Histoire.
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