Au Havre, Jacqueline Salmon élève l’art des nuages, du vent et du ciel
® Jacqueline Salmon
Le
musée d’art moderne André-Malraux du Havre nous plonge la tête dans les
nuages en laissant libre cours à la poésie artistique érudite de
Jacqueline Salmon. La photographe expose ses travaux, mais s’offre
également une conversation picturale inédite avec des artistes
précurseurs dans l’art de représenter la météorologie. À mi-chemin entre
science et art, l'exposition « Du vent, du ciel, et de la mer » permet
- de façon ludique - de se retrouver la tête dans les nuages.
La
photographe Jacqueline Salmon aime les nuages. Elle les aime tant
qu’elle les photographie et les compare aux ciels d’illustres peintres…
Car dans l’art, les cieux sont omniprésents, mais on n’y prête pas
forcément attention quand on observe un tableau. Un peu comme dans la
journée, ils nous accompagnent au-dessus de nos têtes, mais prenons-nous
le temps de les regarder ? Et puis comment les représenter ? Qu’est-ce
qui fait qu’un ciel est beau ? « Tout part du livre d’Alexander
Cozens, du XVIIIe siècle, dans lequel il explique une nouvelle méthode
pour faire des tableaux de paysages, sans forcément regarder la nature » explique Jacqueline Salmon.Le peintre russe du XVIIIe, Alexander Cozens, est connu pour son art de la tache, mais aussi pour une technique précise pour réaliser des paysages ou des ciels… Jacqueline Salmon continue : « Cozens propose une série de ciels reconnaissables à leurs nuages, des types de cieux. Puis John Constable va recopier ses gravures de ciel. John Constable a lui-même été fasciné par Luke Howard qui venait d'inventer le nom des nuages : sirius, stratus, etc. Un peu après, Gustave Le Gray photographie des nuages en pensant qu’il fait œuvre d’art, vient ensuite Eugène Boudin. Puis s’engage un véritable engouement pour la météorologie, la description des ciels… »
Ciel bleu avec Boudin.® Jacqueline Salmon
Jacqueline Salmon semble intarissable, bavarde et amusée par son sujet. « Tout cela est un jeu ! Un jeu un peu sérieux, car on ne dit pas n’importe quoi, mais c’est malgré tout un jeu de connivences. » Elle a pris le temps de comparer les ciels des artistes, de les photographier pour les retranscrire dans sa boîte à jeux personnelle d’une grande érudition. « Ces dernières années, le nuage est devenu à la mode, même dans l’art contemporain ! » sourit-elle.
Pour son exposition « Du vent, du ciel, et de la mer », elle explique : « A l’origine du projet,il y a une anecdote. J’étais à l’Observatoire de Paris et il y avait là un livre des orages. Des orages décrits avec les codes du XIXe, des orages de l’époque d’Eugène Boudin. On s’est mis à rêver (la commissaire de l’exposition et elle) que Boudin qui avait représenté des orages sur Le Havre, eh bien, moi, avec les relevés en main, j’allais être capable de dire : c’était tel jour à telle heure. C’était drôle. On a commencé à fantasmer sur les relations entre Eugène Boudin et la météorologie. »
Ciel noir avec Boudin.® Jacqueline Salmon
Jacqueline Salmon semble avoir la tête dans les nuages depuis 2009, quand elle s’est intéressée aux flux des courants de marée sur le fleuve Saint-Laurent « puis ensuite je me suis retrouvée en résidence d’artiste à Evreux, avec une antenne de Météo France, à l’époque, juste à côté. J’y ai tout appris ! » Alors elle prend le temps de dessiner elle-même les signes du vent sur certaines de ses photos. « Le vent me donne les nuages, ils sont modelés par lui. Personne ne s’était attaqué à une représentation du vent. Et c’est toujours pareil, on n’a pas envie de s’engouffrer sur un terrain où déjà beaucoup d’autres ont trouvé des choses formidables, on a envie de trouver un terrain presque vierge et c’est le cas pour le vent… »
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